Titre
8 façons de promouvoir l'apprentissage génératif
Le texte qui suit est un résumé de l'article : Fiorella, L., & Mayer, R. E. (2016). Eight ways to promote generative learning. Educational Psychology Review, 28(4), 717-741. https://doi.org/10.1007/s10648-015-9348-9
La notion d’apprentissage « génératif » (generative learning) s’appuie sur l’idée que l’apprentissage implique de construire le sens, réorganiser, intégrer les nouvelles informations à ses connaissances antérieures, en bref, est une activité active et constructive. Cette conception de l’apprentissage trouve des arguments dans de nombreux modèles psychologiques (par ex. Bartlett, Piaget, Kintsch).
Le modèle SOI (Select-Organize-Integrate) de Mayer suppose que l’apprentissage « génératif » consiste dans un premier temps à sélectionner l’information pertinente, à l’organiser en une représentation cohérente en mémoire de travail, et enfin à l’intégrer aux structures de connaissances en mémoire à long terme. Ce sont ces deux dernières étapes (organiser et intégrer) qui constituent des traitements « génératifs ». Ces processus ne peuvent se dérouler qu’à la condition que les apprenants soient motivés et qu’ils sachent contrôler et réguler leur fonctionnement (métacognition). La métacognition et la motivation sont en effet l’énergie permettant de mettre en œuvre l’apprentissage génératif.
Cet article résume les résultats de recherches concernant 8 stratégies qui favorisent cet apprentissage actif : résumer, construire un réseau conceptuel (mapping), dessiner, imaginer, se tester, s’expliquer à soi-même, enseigner à d’autres, mettre en action.
Apprendre en faisant des résumés
En indiquant de façon concise les idées principales d’un texte avec ses propres mots, on doit sélectionner les informations les plus pertinentes, les organiser en une structure cohérente et les intégrer. Les études montrent qu’il est plus efficace pour la compréhension de lire un texte et de résumer par une phrase chaque paragraphe que de le lire sans consigne particulière. Le fait de résumer est meilleur également que de demander aux lecteurs de prendre des notes verbatim. D’autres recherches montrent également que le fait de résumer peut favoriser la métacognition (meilleure évaluation de son niveau de compréhension). Néanmoins, certaines recherches montrent que des conditions sont à prendre en compte. Le résumé fonctionne bien pour des courts textes de nature peu spatiale. Cela dépend aussi des habiletés des apprenants à construire un résumé, ainsi, il peut être nécessaire de former les élèves à produire des résumés.
Apprendre en construisant des réseaux conceptuels
Plusieurs techniques existent pour mettre en relation des concepts en construisant un réseau (carte conceptuelles, organiseurs graphiques etc.). Cela conduit à transformer un texte linéaire en un arrangement spatial mettant en évidence la structure. Des effets positifs de la création de ces structures graphiques ont été montrés, mais ici encore, cela nécessite de l’entraînement. Les effets sont plus importants pour les élèves les plus faibles. Cette construction prend du temps et peut paraître fastidieuse pour les apprenants. Une possibilité est de demander aux apprenants de construire sur la base de cartes pré-conçues.
Apprendre en faisant des dessins
Des effets positifs de la création de dessins ont été montrés mais il ne faut pas que la conception même du dessin prenne trop d’attention et soit un coût cognitif important et supplémentaire. Ici encore, un entrainement préalable peut être requis. Il faut que les apprenants soient guidés sur comment dessiner.
Apprendre en imaginant
On peut créer mentalement des images lorsqu’on apprend. Des consignes de création d’images mentales (après entrainement) au fur et à mesure de la lecture conduisent à une meilleure performance à un test de transfert. L’imagination fonctionne mieux pour des apprenants ayant des connaissances antérieures (trop coûteux pour des novices). Les travaux ont porté principalement sur l’apprentissage de procédures ou de compréhension de fonctionnement de systèmes.
Apprendre en se testant
Se tester consiste à se poser des questions sur un matériel qui a été préalablement appris. L'apprentissage est meilleur quand on se teste de façon répétée plutôt que quand on réétudie le matériel. Cet effet a été montré avec du materiel simple (listes de mots) mais aussi plus complexe et écologique. Les études ont été menées sur des populations variées. L’effet est surtout visible à long terme, et les étudiants ne sont pas conscients de cet effet, ils pensent réussir mieux lorsqu’ils relisent le matériel plutôt que lorsqu’ils se testent. Il est important d’apporter un feed-back correctif suite au test, de se tester de façon répétée et que les formats soient proches entre les différents tests. Des résultats contradictoires existent concernant la validité du testing sur des tâches complexes, néanmoins, un accord reste à construire sur une définition claire de ce qu'est un matériel complexe. Cette stratégie présente de nombreux avantages : très polyvalente, pas besoin d’entraînement. Les étudiants doivent néanmoins être mis au courant de l’effectivité de cette stratégie.
Apprendre en s’expliquant à soi-même
Cela implique de s’expliquer le contenu d’une leçon pendant l’apprentissage. Cela permet de générer des inférences et de se poser des questions sur son apprentissage. Des études demandant aux apprenants de penser tout haut pendant qu’ils apprennent ont montré que ceux qui font le plus d’auto-explication ont une meilleure performance. Lorsque les apprenants sont incités à faire des auto-explications, ils apprennent mieux. Certains peuvent avoir besoin d’entraînement. Cette stratégie est particulièrement adaptée pour apprendre du matériel conceptuel complexe. On peut inciter les apprenants à se poser régulièrement la question de savoir si ce qu’ils apprennent a du sens pour eux…
Apprendre en enseignant à d’autres
L’objectif ici est d’expliquer le matériel pour aider d’autres à apprendre. Proche de l’auto-explication mais un peu différent néanmoins. Les travaux se sont intéressés à des situations très diverses (coopération, apprentissage par les pairs, discussions de groupes…), mais peu ont réellement isolé l’effet de l’apprentissage par l’enseignement. Une étude a séparé les deux conditions qui sont le fait de se préparer à enseigner et le fait d’enseigner. Il semble que le fait de se préparer et d’expliquer à d’autres entraine un apprentissage plus durable dans le temps. Tout comme le résumé et l’auto-explication, l’efficacité dépend de la qualité de l’élaboration faite par les apprenants. Si certains ne font que redire sans élaboration profonde, l’apprentissage sera moins performant. Répondre à des questions posées par les autres pendant qu’ils enseignent peut conduire à un traitement plus profond.
Apprendre en agissant
Cela renvoie à mettre en action, faire des mouvements, manipuler des objets pendant l’apprentissage. Les bénéfices de la mise en action sont souvent expliqués dans le cadre des théories de la cognition incarnée, mettant en avant que les processus cognitifs sont ancrés dans les interactions physiques avec l’environnement. La plupart des études ont été menées avec de jeunes enfants. La mise en acte aiderait les enfants à se représenter le problème et conduirait ainsi à de meilleures performances. Des études sur la compréhension de textes montrent que la possibilité de relier les éléments du texte à des objets physiques aide à la compréhension. Les manipulations concrètes fonctionneraient mieux pour des apprenants ayant déjà des connaissances antérieures. Il est nécessaire de guider les apprenants sur comment ils doivent mettre en acte de façon appropriée.
Résumé
Stratégie |
Description |
Études |
Résumer |
Réaliser un résumé oral ou écrit |
26/30 |
Réaliser une carte |
Réaliser une carte mentale, une matrice |
36/39 |
Dessiner |
Réaliser un dessin qui décrit le texte |
26/28 |
Imaginer |
Imaginer un dessin qui décrit le texte |
16/22 |
S’auto-évaluer (se tester) |
Se donner à soi-même une évaluation qui met en œuvre la connaissance apprise |
70/76 |
S’auto-expliquer |
Produire une explication écrite ou orale de ce que l’on est en train d’étudier |
44/54 |
Expliquer à autrui |
Expliquer à autrui ce que l’on est en train d’étudier |
17/19 |
Agir physiquement |
Manipuler des objets, réaliser des gestes en relation avec ce que l’on est en train d’étudier |
36/49 |
Pistes pour le futur
Il est important de s’intéresser à des mesures de l’apprentissage profond (compréhension, transfert) plutôt que de surface (rétention). Mesurer l’apprentissage à long terme (après un délai) et pas seulement l’apprentissage immédiat. Un autre challenge et de trouver des mesures valides des processus (cognitifs et métacognitifs) mis en jeu pendant l’apprentissage. Ceci nécessite une théorie de l’apprentissage permettant de faire des prédictions. Il faut également intégrer le rôle de la motivation et de la métacognition dans les futures recherches. Il est nécessaire de voir en quoi la motivation influence les processus génératifs. La mise en œuvre de processus de traitements élaboratifs peut également avoir un effet positif sur la métacognition. Il serait important également d’étudier comment les apprenants utilisent différentes stratégies en fonction de différents matériels à apprendre (par exemple en fonction de la structure des textes). Enfin, il est nécessaire de travailler sur les conditions dans lesquelles telle ou telle stratégie est la plus effective.
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Commentaires
Soumis par ksantrisse le ven 25/09/2020 - 18:40
Infographie sur l'apprentissage génératif (generative activity)
Très intéressant!
Voici une infographie (en anglais) sur le même sujet
https://www.olicav.com/s/ksogynwwlzx2cxhygkyurqz8yjxh5b
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